La réforme de la TVA en Italie : Implications juridiques du décret législatif n° 141/2024

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Le décret législatif n° 141/2024 est entré en vigueur le 4 octobre 2024, introduisant des modifications au régime italien de TVA à l'importation et le reclassant en tant que "droit de douane". La législation incorpore le Code douanier de l'Union (UCC) et remplace le texte consolidé des lois douanières (Testo Unico delle Disposizioni Legislative in Materia Doganale, ci-après dénommé TULD), tel que défini dans le décret présidentiel n° 43/1973.
Cette réforme marque un tournant historique dans la législation douanière italienne en abrogeant le TULD, en l'alignant sur l'UCC et en révisant le système de sanctions, tout en introduisant le guichet unique de l'UE pour les douanes. La réforme propose également une nouvelle répartition des responsabilités entre l'agence douanière, l'agence fiscale et les autres autorités de contrôle. Le résultat est sans aucun doute un cadre réglementaire plus cohérent et plus moderne, aligné sur les normes européennes, bien qu'il ait fait l'objet de certaines critiques dans sa forme actuelle, comme nous le verrons.
L'une des principales innovations est que l'article 27 du décret législatif n° 141/2024 inclut explicitement la TVA à l'importation parmi les "droits de douane", sauf dans les cas de mise en libre pratique sans paiement de la TVA en raison de la consommation dans un autre État membre de l'UE (régime 42) ou de mise en libre pratique sans paiement de la TVA, sous réserve d'un régime de dépôt autre qu'un entrepôt douanier (régime 45). En outre, l'article 67 du décret présidentiel n° 633/1972 introduit un nouveau paragraphe (2-quater), qui exige la constitution d'une garantie équivalente au montant de la TVA suspendue.
Lorsque la TVA à l'importation ne constitue pas un droit de douane
Malgré le principe général qui veut que la TVA à l'importation soit considérée comme un droit de douane, il existe d'importantes exceptions. En particulier, dans le cadre des régimes douaniers 42 et 45, la TVA sur les importations n'est pas considérée comme un droit à la frontière parce que les biens sont destinés à être transférés vers un autre État membre de l'UE où le mécanisme d'autoliquidation s'applique.
Plus précisément :
Le régime 42 s'applique à l'importation de biens dans un État membre de l'UE en vue de leur transfert immédiat vers un autre État membre de l'UE. Dans ce cas, la TVA n'est pas collectée à la frontière, mais dans le pays de destination. Ce régime facilite les échanges intracommunautaires en réduisant les charges administratives et financières liées au paiement anticipé de la TVA. Toutefois, des procédures spécifiques de documentation et de suivi doivent être suivies pour bénéficier de ce régime, notamment une déclaration confirmant le transfert vers le pays de destination dans les délais fixés par les réglementations applicables.
Le régime 45 s'applique à l'importation de biens destinés à des entités assujetties à la TVA dans un autre État membre de l'UE, là encore sans que la TVA ne soit appliquée à la frontière. Comme le régime 42, il est souvent appelé "régime de l'entrepôt TVA". La TVA est également comptabilisée dans le pays de destination finale, ce qui offre des avantages comparables en termes de simplification des procédures fiscales et de réduction des obligations financières. Les importateurs doivent s'assurer que les biens sont réellement destinés à des entités assujetties à la TVA dans un autre État membre de l'UE et que tous les documents justificatifs sont exacts et complets.
En conséquence, l'Agence italienne des douanes et des monopoles a précisé dans la circulaire n° 20/2024 que la TVA est considérée comme un "droit de douane" uniquement dans les cas de mise à la consommation irrégulière en Italie. Cela se produit spécifiquement sous le régime 42 lorsqu'il n'y a pas de preuve que les biens ont été mis à la consommation dans un autre État membre de l'UE, ni de preuve que les biens ont quitté le territoire italien ; et sous le régime 45, lorsque les biens n'ont pas été correctement enregistrés dans la comptabilité de l'entrepôt de la TVA.
Ces exceptions confirment que la classification de la TVA en tant que "droit frontalier" est conditionnelle. Elles donnent également lieu à des incertitudes interprétatives et opérationnelles initiales, notamment en cas de litiges avec les autorités douanières, comme nous le verrons plus loin.
La nature juridique de la TVA à l'importation : les défis de la réforme italienne à la lumière du droit communautaire
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a fourni des indications importantes sur la nature de la TVA à l'importation et sur la manière dont elle diffère des droits de douane. Cela est particulièrement évident dans son arrêt U.I. (Représentant en douane indirect) (C-714/20), dans lequel la CJUE a précisé que la TVA ne peut être traitée comme une ressource propre de l'UE ou comme un droit de douane que si elle est explicitement désignée comme telle par le droit de l'UE. Cette interprétation remet en cause la récente réforme de l'Italie en vertu du décret législatif n° 141/2024, qui assimile la TVA à l'importation à des droits de douane et leur applique des règles de perception et de sanction similaires.
La CJUE s'est également penchée sur la question de savoir si les représentants en douane indirects peuvent être tenus conjointement responsables de la TVA à l'importation en vertu de l'article 201 de la directive TVA. La CJUE a statué qu'une telle responsabilité n'est possible que si le droit national les désigne explicitement et clairement comme redevables. L'Italie a réagi en adoptant une législation qui impose formellement une responsabilité conjointe à l'importateur et au représentant indirect.
Toutefois, cette approche risque de violer le principe de sécurité juridique, une valeur fondamentale du droit européen et italien. Ce principe exige que les lois soient claires, prévisibles et transparentes afin que les opérateurs économiques comprennent leurs obligations. En brouillant les frontières entre la législation douanière et la législation sur la TVA, la réforme italienne introduit des ambiguïtés qui peuvent conduire à des interprétations contradictoires de la part des différentes autorités fiscales, à une augmentation des litiges juridiques et à une incertitude opérationnelle pour les entreprises.
La réforme semble se fonder sur deux éléments : un arrêt de 2022 de la Cour de cassation italienne qui a traité la TVA à l'importation comme un droit de douane, et la reconnaissance par la CJUE que les États membres de l'UE ont toute latitude pour désigner les débiteurs de la TVA. Toutefois, la fusion des régimes douaniers et de TVA pourrait miner la confiance dans le système juridique.
Dans la pratique, la réforme impose de nouvelles charges de conformité. Dans le cadre du régime 42, les importateurs doivent désormais fournir la preuve que les marchandises sont transférées vers un autre État membre de l'UE, sous peine de perdre leurs garanties financières. Bien qu'il existe des exemptions pour les opérateurs économiques agréés (OEA), les exigences restent strictes. En outre, la réforme étend les sanctions pénales et administratives aux questions de TVA. Elle introduit des responsabilités potentielles pour les agents en douane indirects et soulève des questions de procédure, notamment lorsque les différents régimes de sanction se chevauchent. Ces changements exigent une attention particulière de la part des importateurs afin d'éviter les sanctions et de s'y retrouver dans la complexité juridique croissante.
Considérations finales
Est-il correct de considérer la TVA à l'importation comme un "droit de douane" ?
Selon l'auteur, ce n'est pas le cas, une conclusion étayée par la jurisprudence constante de la CJUE et par un arrêt récent de la Cour de cassation italienne, comme indiqué tout au long de l'article.
Au fil du temps, la jurisprudence a précisé que la TVA à l'importation ne pouvait être assimilée à des "droits de douane", tels que régis par l'article 34 du TULD, de la même manière que les droits de douane peuvent l'être. À l'inverse, la TVA a toujours été considérée comme un "impôt interne", comme l'ont confirmé plusieurs arrêts de la Cour suprême italienne. Le mécanisme de la TVA à l'importation est étroitement lié au système plus large de la TVA puisqu'il ne s'applique pas directement au produit importé lui-même, mais relève du cadre fiscal uniforme qui régit à la fois les transactions nationales au sein des États membres de l'UE et les importations.
Au niveau européen, la TVA à l'importation et les droits de douane proviennent de l'importation de biens dans l'UE et de leur introduction ultérieure dans la circulation économique des États membres de l'UE. Pour cette raison, le point de départ de l'obligation de payer la TVA à l'importation est le même que celui des droits de douane, même si les deux types de prélèvements sont distincts par leur nature et leur fonction. La jurisprudence européenne récente a rappelé que, malgré certaines caractéristiques communes, la TVA à l'importation et les droits de douane sont distincts quant à leur objet et à leur substance.
L'article 71, paragraphe 1, point 2, de la directive TVA confirme cette relation en permettant aux États membres de l'UE d'aligner l'exigibilité de la TVA à l'importation sur celle des droits de douane. Plus précisément, l'obligation de payer la TVA peut survenir en même temps que les droits de douane si l'activité illégale qui a déclenché ces derniers indique que les biens sont entrés sur le marché de l'UE et ont été consommés, créant ainsi un fait générateur aux fins de la TVA.
Néanmoins, la TVA à l'importation présente des caractéristiques propres à son application. Bien qu'elle ne relève pas des obligations douanières proprement dites, elle doit être acquittée dans le cadre des procédures douanières. En pratique, la TVA à l'importation doit être acquittée lors du dépôt de la déclaration en douane. Lorsque la mise en libre pratique coïncide avec la mise à la consommation, ou en cas d'irrégularités dans la gestion des entrepôts TVA jusqu'au retrait des marchandises, l'Agence des douanes est responsable de la perception de la taxe. En revanche, si le non-paiement de la TVA résulte de déductions incorrectes dans le cadre de l'autofacturation, la responsabilité du recouvrement incombe à l'Agence des recettes.
Par conséquent, les changements législatifs introduits par le décret législatif n° 141/2024 représentent un changement significatif pour les opérateurs économiques et pour la gestion de la fiscalité douanière. Toutefois, le débat est loin d'être clos, en particulier si la Cour constitutionnelle est appelée à se prononcer sur l'inconstitutionnalité potentielle de l'article 34 de l'(ancien) TULD, qui concerne la compatibilité de la confiscation douanière avec les infractions dépénalisées pour non-paiement de la TVA à l'importation. Dans ce cas, la réforme pourrait devoir être reconsidérée.
La réforme de la TVA dessine une situation plus théorique que pratique, mais favorable aux assujettis. Les modifications cohérentes apportées aux articles 88 et 112 du TULD sont également positives. Le premier autorise explicitement la divulgation volontaire pour régulariser des violations pertinentes dans un contexte pénal.
Enfin, conformément à l'analyse ci-dessus, il semble qu'une révision du cadre des sanctions prévu par le décret législatif n° 141/2024 soit imminente. Plus précisément, de nouveaux seuils pourraient être introduits pour faire la distinction entre les droits de douane, qui pourraient rester à 10 000 euros, et la TVA, qui pourrait être portée à 100 000 euros.
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