Affaire Berlin Chemie de la CJCE : décision clé sur l'établissement fixe pour la TVA dans l'UE

L'affaire Berlin Chemie AG porte sur une question complexe d'établissement fixe dans le cadre de la directive européenne sur la TVA. Berlin Chemie (BC) est une société allemande qui vend des produits pharmaceutiques en Roumanie et qui est enregistrée à la TVA dans ce pays. En outre, la BC est propriétaire à 100 % de la société roumaine Berlin Chemie A. Menarini SRL (BCAM).
La BCAM et la BC ont signé un contrat de service régissant les obligations mutuelles. Le problème s'est posé lorsque l'autorité fiscale roumaine a conclu que la CB avait un établissement fixe en Roumanie par l'intermédiaire de la BCAM, imposant ainsi l'assujettissement à la TVA à la BCAM. N'étant pas d'accord avec cette décision, le BCAM l'a contestée.
Contexte de l'affaire
La CB et le BCAM ont conclu un contrat de services de marketing, de réglementation, de publicité et de représentation afin de définir des obligations mutuelles régies par le droit allemand. En vertu de ce contrat, le BCAM fournit des services de marketing et d'autres services nécessaires à la promotion des produits pharmaceutiques de la BC auprès des clients roumains.
En conséquence, la BC doit payer au BCAM une redevance mensuelle pour la prestation de services égale aux dépenses encourues plus 7,5 %.
En raison de leur coopération et de leur connexion, le BCAM a émis des factures à la BC sans calculer la TVA, car il considérait que le lieu de livraison se trouvait en Allemagne et non en Roumanie. Plus précisément, le BCAM et la BC ont appliqué le mécanisme d'autoliquidation.
L'autorité fiscale roumaine était d'un avis contraire, déclarant que les services étaient imposables en Roumanie et non en Allemagne. En outre, l'autorité fiscale a fait valoir que la BC disposait d'un établissement fixe en Roumanie, car elle remplissait des conditions telles que l'existence de ressources techniques et humaines suffisantes par l'intermédiaire de sa filiale. L'administration fiscale a conclu que la BC avait un accès permanent au personnel, aux ordinateurs, aux systèmes d'exploitation et aux véhicules à moteur de la BCAM.
À la suite de cette conclusion, l'autorité fiscale a émis un avis d'imposition à l'encontre de BCAM, indiquant qu'elle devait payer plus de 41 millions de lei, soit environ 8 millions d'euros, au titre de la TVA due. L'administration fiscale a également imposé 5,8 millions de lei (environ 1,2 million d'euros) et 3,3 millions de lei (environ 709 000 euros) d'intérêts et de pénalités de retard, respectivement.
Le BCAM a présenté une demande d'annulation d'un avis d'imposition à la Cour d'appel de Bucarest (Cour d'appel), contestant la conclusion de l'administration fiscale selon laquelle le BC dispose d'un établissement stable en Roumanie.
Cependant, la Cour d'appel ne savait pas comment interpréter la disposition de l'article 44 de la directive TVA de l'UE et de l'article 11 du règlement d'exécution n° 282/2011, précisant que la jurisprudence de la CJCE ne traitait pas de questions similaires. Par conséquent, la Cour d'appel s'est tournée vers la CJCE et a demandé une décision préjudicielle avant de prendre sa décision finale.
Principales questions de la demande de décision
La Cour d'appel a posé trois questions à la CJCE afin de déterminer si BC disposait d'un établissement stable en Roumanie en raison de l'accès aux ressources humaines et techniques de BCAMs. La première question était de savoir si le contrôle indirect par le biais de la propriété équivaut au contrôle direct des ressources nécessaires pour établir un établissement stable et des obligations en matière de TVA.
La deuxième question qui devait être clarifiée était de savoir si un établissement fixe présumé nécessite un pouvoir de décision sur la livraison de biens ou si l'assujettissement à la TVA peut survenir si la BC a accès aux ressources techniques et humaines dans l'État membre par le biais de contrats avec des tiers, dans ce cas avec le BCAM, qui ont une influence directe sur le volume des ventes.
La dernière question à laquelle il fallait répondre pour déterminer si la BC avait un établissement stable en Roumanie était de savoir si l'accès de la BC aux ressources du BCAM, en tant que filiale, pouvait empêcher le BCAM d'être considéré comme un prestataire de services distinct aux fins de la TVA.
Article applicable de la directive TVA de l'UE
L'article 44 de la directive TVA de l'UE et l'article 11 du règlement d'exécution n° 282/2011 (règlement d'exécution) sont essentiels dans cette affaire.
L'article 44 définit le lieu d'une prestation de services à un autre assujetti, c'est-à-dire une prestation de services interentreprises. En règle générale, le lieu des prestations est l'endroit où les entreprises bénéficiaires des services sont établies, ce qui signifie que la TVA est facturée sur la base de l'emplacement du siège principal de l'entreprise bénéficiaire.
Toutefois, si les services sont fournis à un établissement fixe d'une société situé dans un lieu différent du siège principal, par exemple une succursale ou une filiale dans un autre État membre de l'UE, le lieu de la prestation est le lieu où se trouve l'établissement fixe.
Supposons que ni le siège principal de l'entreprise ni l'établissement fixe n'existent dans le pays de l'UE où le service est fourni. Dans ce cas, le lieu de prestation est déterminé sur la base de l'adresse permanente ou de la résidence habituelle du destinataire.
L'article 11 du règlement d'application définit plus précisément ce qui constitue un établissement fixe aux fins de la TVA en vertu de l'article 44 de la directive TVA de l'UE, en précisant que l'établissement fixe est distinct de son siège principal et doit disposer d'une structure adéquate de ressources humaines et techniques, telles que des employés, des équipements et des installations, qui lui permettent de recevoir et d'utiliser des services de manière indépendante.
Règles nationales de TVA en Roumanie
Étant donné que le contrôle fiscal du BCAM a été effectué pour la période comprise entre le 1er février 2014 et le 31 décembre 2016, et que le code fiscal roumain a été modifié au cours de cette période, l'article 125a, paragraphe 2, point b), du code fiscal n° 571/2003 (code fiscal 2003) a été modifié en conséquence. 571/2003 (Code des impôts 2003), qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 2015, et l'article 266(2)(b) du Code des impôts n° 227/2015 (Code des impôts 2015) en vigueur depuis le 1er janvier 2016, stipulant que si une société a son siège social en dehors de la Roumanie, elle a un établissement fixe en Roumanie et est considérée comme établie en Roumanie aux fins de la TVA.
Les articles 133(2) du code des impôts 2003 et 278(2) du code des impôts 2015 sont également pertinents dans ce cas, car ils contiennent des dispositions identiques concernant le lieu de prestation de services à une autre entreprise. En outre, ces articles réglementent la même question de la même manière que l'article 44 de la directive TVA de l'UE.
Importance de l'affaire pour les assujettis
Cette affaire est essentielle car elle aide les entreprises à mieux comprendre quand leurs succursales ou filiales sont assujetties à la TVA lorsqu'elles fournissent ou utilisent des services à leur société mère ou en provenance de celle-ci. En outre, la décision rendue par la CJCE dans cette affaire explique ce que l'on entend par "disposer d'un degré suffisant de permanence et d'une structure adéquate de ressources humaines et techniques pour recevoir et utiliser des services", ce qui est crucial pour l'établissement stable.
Il est courant pour les sociétés internationales d'avoir des filiales et des succursales dans plusieurs pays de l'UE, et cet arrêt peut les aider à comprendre quand les règles relatives à l'établissement fixe s'appliquent à la société mère et quand l'assujettissement à la TVA est déclenché.
Outre les entreprises, cette affaire est essentielle pour les gouvernements nationaux et les tribunaux des pays de l'UE, car elle fournit des lignes directrices pour déterminer l'existence d'un établissement stable.
Cette détermination a un impact considérable sur les obligations et les responsabilités en matière de TVA des entreprises opérant dans l'UE.
Analyse des conclusions de la Cour
La CJCE a défini les questions qui lui étaient posées comme étant celles de savoir si une société ayant son siège social dans un État membre de l'UE, en l'occurrence l'Allemagne, peut être considérée comme ayant un établissement stable dans un autre pays de l'UE, la Roumanie, simplement parce qu'elle y possède une filiale. La CJCE s'est donc attachée à déterminer si le BCAM, en tant que filiale, remplissait les critères d'un établissement stable.
La CJCE a conclu que l'article 44 de la directive TVA de l'UE et l'article 11 du règlement d'application ne définissent pas spécifiquement si les ressources doivent être détenues en pleine propriété par la société qui reçoit les services et que les deux articles exigent simplement qu'un établissement stable ait une "permanence suffisante" et une "structure appropriée" de ressources humaines et techniques.
En outre, la CJCE a déclaré que pour qu'une filiale soit considérée comme un établissement stable, la société mère doit avoir un accès permanent au personnel et à l'équipement nécessaires par le biais de contrats qui lui confèrent un contrôle similaire à celui qu'elle exercerait en tant que propriétaire. Néanmoins, la CJCE a déclaré que l'application d'une norme trop restrictive augmenterait l'incertitude juridique et rendrait plus complexe le respect des règles de TVA.
La question principale est donc de savoir si une BC a un accès constant et à long terme aux ressources nécessaires par l'intermédiaire de sa filiale. En examinant les faits présentés, la CJCE a conclu qu'il était évident que la BC avait un accès à long terme et ininterrompu aux ressources de BCAM, y compris 200 employés, des ordinateurs et des véhicules.
La CJCE a laissé à la juridiction nationale le soin de déterminer si la BA avait un contrôle direct sur ces ressources et les utilisait comme si elle en était propriétaire ou si le BCAM agissait de manière indépendante.
Bien que la BA soit propriétaire du BACM, le rôle du BCAM se limite à promouvoir les produits de la BC, à prendre des commandes et à les transmettre, sans réellement vendre ou s'engager dans des accords avec des tiers au nom de la BC. Cela signifie que les services du BCAM sont séparés de l'activité principale de BC, qui est la vente de produits pharmaceutiques.
À partir de là, la CJCE a conclu que BCAM, en tant que filiale, soutient les opérations de BC, que les ressources fournies sont utilisées pour fournir des services à BC et qu'elle ne présente pas une structure autonome que BC pourrait utiliser de manière indépendante.
Décision finale des tribunaux
Dans sa remarque finale concernant cette affaire, la CJCE a déclaré qu'aux fins de la TVA, un établissement fixe dans un État membre de l'UE exige qu'une société dispose d'une structure stable dans cet État membre, avec des ressources humaines et techniques qu'elle peut contrôler et utiliser de manière indépendante pour ses activités commerciales.
Bien que BCAM ait fourni des services strictement et exclusivement à BC, sa société mère, ce qui a contribué à stimuler les ventes de BC, cela ne signifie pas que BC dispose d'un établissement stable en Roumanie.
En fin de compte, pour que l'établissement stable existe, la BC doit avoir eu le contrôle des ressources nécessaires et avoir pu les utiliser comme si elles lui appartenaient, ce qui n'était pas le cas de la BC et du BCAM.
Conclusion
Ce n'est pas le premier arrêt de la CJCE sur les établissements stables. Toutefois, aucun des arrêts précédents n'a clairement interprété et clarifié la notion d'établissement stable aux fins de la TVA lorsqu'une filiale fournit à la société mère des services qui ne sont pas liés aux activités principales de cette dernière.
En affirmant que la prestation de services par une filiale à des sociétés mères ne crée pas automatiquement un établissement stable, la décision a fourni le contexte nécessaire aux tribunaux nationaux et aux entreprises, en particulier aux entreprises internationales. La décision souligne l'importance du contrôle des ressources techniques et du capital humain pour établir les obligations en matière de TVA.
Deux ans après la décision, l'arrêt reste pertinent pour les entreprises impliquées dans des opérations transfrontalières au sein de l'UE, en veillant à ce que les mêmes principes soient appliqués de manière cohérente. L'explication de la CJCE garantit une approche cohérente dans l'ensemble de l'UE, minimisant les divergences potentielles dans l'application des règles relatives à l'établissement stable d'un pays de l'UE à l'autre.
Source: Affaire C-333/20 - Berlin Chemie A. Menarini SRL c. Administrația Fiscală pentru Contribuabili Mijlocii București, Directive TVA de l'UE, Règlement d'application n° 282/2011

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