Preuve d'exportation pour l'exonération de la TVA : Un arrêt clé de la CJCE pour les services de transport

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L'affaire opposant Cartrans, un intermédiaire roumain de services de transport routier de marchandises, à l'autorité fiscale roumaine porte sur la question de savoir si la société peut bénéficier de l'exonération de la TVA pour certains services de transport international liés à des exportations en dehors de l'UE, bien qu'elle n'ait pas fourni de déclarations douanières d'exportation.
En outre, l'affaire soulève la question de savoir si d'autres documents, tels que les carnets TIR, peuvent être acceptés comme preuve d'exportation aux fins de l'exonération de la TVA, ou si le droit national peut limiter la preuve strictement aux déclarations douanières d'exportation.
Contexte de l'affaire
Cartrans a fait l'objet d'un redressement fiscal en 2014 à la suite d'une inspection de l'administration fiscale. L'avis d'imposition émis a imposé à la société une obligation supplémentaire de TVA de 16 203 RON (environ 3 650 EUR) pour sept services de transport liés à des exportations d'une valeur d'environ 67 512 RON (environ 15 000 EUR).
Les transports en question ont été effectués entre 2012 et 2014 vers des destinations hors UE, notamment la Turquie, la Géorgie, l'Irak et l'Ukraine. Comme l'a noté l'administration fiscale, Cartrans n'ayant pas fourni, lors de l'inspection, les déclarations douanières d'exportation nécessaires pour prouver que les marchandises ont été exportées, l'entreprise est redevable du montant de TVA indiqué. Par conséquent, ces transports ne pouvaient pas bénéficier de l'exonération de la TVA.
La société a contesté l'évaluation fiscale devant le tribunal régional, arguant qu'elle avait présenté suffisamment de documents alternatifs, tels que des carnets TIR et des lettres de voiture CMR certifiées par les bureaux de douane des pays de destination. Cartrans a souligné que les carnets TIR comportent à la fois une référence aux marchandises en question et une certification du transit douanier d'un bureau de douane de départ à un bureau de douane de destination.
Cependant, l'autorité fiscale roumaine a affirmé que les services de transport en question ne pouvaient pas bénéficier de l'exonération de la TVA car, bien que les documents fournis par Cartrans puissent montrer que les services étaient liés au transport international, ils ne prouvent pas que les marchandises ont été exportées en dehors de l'UE. En outre, l'administration fiscale a fait valoir qu'en vertu de la législation fiscale applicable, la seule preuve acceptable est la déclaration douanière d'exportation, que la société n'a pas présentée.
Après avoir examiné les faits et les arguments présentés par les deux parties, la Cour régionale a déterminé que la législation fiscale roumaine ne spécifiait pas explicitement le type de document requis pour prouver l'exportation de marchandises, ce qui suggère un manque de clarté juridique quant à ce qui constitue une preuve acceptable pour l'exonération de la TVA. En conséquence, la Cour régionale a décidé de suspendre la procédure et de poser deux questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE).
Principales questions de la demande de décision
La première question posée par le tribunal régional était de savoir si, en vertu de la directive européenne sur la TVA, un carnet TIR certifié par les bureaux de douane du pays de destination peut servir de preuve suffisante que les marchandises ont été exportées.
Dans sa deuxième question, la Cour a demandé si l'article 153 de la directive TVA de l'UE interdit une pratique fiscale nationale qui exige que la preuve de l'exportation soit exclusivement fournie par une déclaration douanière d'exportation, refusant ainsi le droit de déduire la TVA sur les services de transport en l'absence d'une telle déclaration, même si un carnet TIR certifié est disponible.
Article applicable de la directive TVA de l'UE
La CJCE a pris en compte les dispositions de la Directive TVA de l'UE et du Code des douanes de l'UE, de la Convention TIR et du Manuel de transit pour le régime TIR au cours du processus décisionnel. En ce qui concerne les dispositions de la directive TVA de l'UE, les articles 131, 146, paragraphe 1, et 153, qui précisent le champ d'application et les conditions des exonérations de TVA, ont été déterminants.
Plus précisément, l'article 131 établit que si les exonérations décrites dans les chapitres suivants s'appliquent, les pays de l'UE peuvent définir les conditions spécifiques pour garantir que ces exonérations sont utilisées correctement et pour prévenir les abus. L'article 141, paragraphe 1, fait explicitement référence aux exonérations liées à l'exportation, imposant aux pays de l'UE d'exonérer à la fois la fourniture de biens transportés en dehors de l'UE et les services, tels que le transport, qui sont directement liés à ces exportations.
Enfin, l'article 153, qui est la partie centrale de la deuxième question, exige que les pays de l'UE exonèrent les services intermédiaires fournis au nom et pour le compte d'une autre personne lorsque ces services sont liés à des opérations impliquant des exportations, des échanges intracommunautaires ou des opérations en dehors de l'UE.
Les articles 4, paragraphes 16 et 17, 59, 91, 161 et 182 du code des douanes, qui définissent les principales procédures applicables à la circulation des marchandises à travers les frontières de l'UE, sont les plus pertinents pour répondre aux questions posées. Ces articles établissent une distinction entre les différents régimes douaniers, tels que le transit et l'exportation, et précisent que les marchandises doivent être placées sous un régime douanier approprié par le biais d'une déclaration formelle.
Les règles définies dans la Convention TIR, qui régissent le transport international de marchandises sous le régime TIR et permettent de déplacer des marchandises d'un bureau de douane de départ à un bureau de douane de destination sans payer de droits ou de taxes à des points de douane intermédiaires, ont également été prises en considération par la CJCE.
Enfin, le Manuel TIR, qui a été préparé par la Commission européenne au sein du Comité du Code des Douanes, clarifie le rôle et la fonction du carnet TIR dans le transport international de marchandises, et définit que le carnet TIR sert de déclaration en douane pour le transport de marchandises et agit également comme preuve qu'une garantie existe pour couvrir les droits de douane, a également été interprété tout au long de la procédure.
Règles nationales de TVA en Roumanie
Le code fiscal roumain exonère de la TVA la fourniture de services, y compris les services de transport et les services connexes, qui sont directement liés à l'exportation de biens. En outre, l'article 144a de la même loi étend cette exonération aux services fournis par des intermédiaires agissant pour le compte d'une autre personne, à condition que ces services soient liés aux opérations exonérées énumérées aux articles 143 et 144.
En outre, l'ordonnance n° 2222/2006, qui décrit les règles pratiques d'application de l'exonération de la TVA et stipule que le prestataire de services doit la justifier au moyen d'une documentation spécifique, a également été prise en compte par la CJCE.
Importance de l'affaire pour les assujettis
Cette affaire revêt une importance significative pour les assujettis engagés dans le transport international et les services liés à l'exportation, car elle clarifie quels documents peuvent être considérés comme une preuve d'exportation. En outre, les clarifications et les interprétations des règles applicables réduisent l'incertitude juridique et le risque d'une imposition à la TVA inattendue lorsque les déclarations douanières d'exportation ne sont pas disponibles, mais que d'autres documents valables sont présentés à l'administration fiscale.
Analyse des conclusions de la Cour
La CJCE a commencé ses explications en soulignant qu'en vertu de l'article 153 de la directive TVA, les pays de l'UE sont tenus d'exonérer les services fournis par des intermédiaires agissant au nom et pour le compte d'une autre partie, en particulier lorsque ces services font partie d'opérations liées à l'exportation. Elle ajoute que l'article 146, paragraphe 1, oblige les pays de l'UE à exonérer les services, tels que le transport et les opérations connexes, lorsqu'ils sont directement liés à l'exportation de biens en dehors de l'UE.
Cependant, en examinant les faits de ce cas spécifique, la CJCE a noté que bien que le tribunal régional cite l'article 153 dans ses questions, le renvoi ne contient pas suffisamment de détails pour confirmer que Cartrans a agi en tant qu'intermédiaire au nom et pour le compte d'une autre partie. Au contraire, compte tenu de toutes les informations fournies, l'imposition en question concerne la TVA appliquée directement aux services de transport fournis par Cartrans concernant l'exportation de marchandises, plutôt que des services d'intermédiaire.
En outre, la CJCE a déclaré qu'en raison des informations limitées fournies par le tribunal régional, il appartient à la juridiction nationale d'évaluer si l'article 153 de la directive TVA, en liaison avec l'article 146, paragraphe 1, point e), s'applique au cas d'espèce, ou si seul l'article 146, paragraphe 1, point e), est pertinent. En outre, tant la CJCE que l'avocat général ont souligné que la deuxième question concerne la clarification des conditions dans lesquelles une exonération de la TVA peut être accordée, plutôt que le droit à la déduction lui-même.
L'une des premières remarques de la CJCE est qu'elle a toujours considéré que les exonérations de TVA devaient être interprétées de manière stricte, car elles constituent des exceptions à la règle générale selon laquelle la TVA est due sur toutes les prestations imposables. Par conséquent, pour qu'un service soit considéré comme directement lié à l'exportation de biens en vertu de l'article 146, paragraphe 1, point e), il doit à la fois contribuer matériellement à l'exportation effective et être fourni directement à l'exportateur ou au destinataire des biens.
En outre, étant donné que la directive TVA de l'UE ne précise pas les preuves que les assujettis doivent fournir pour obtenir une telle exonération, il appartient aux pays de l'UE d'établir ces exigences en matière de preuve afin de garantir une application correcte et d'éviter les fraudes ou les abus. Néanmoins, ce faisant, les pays de l'UE doivent respecter les principes fondamentaux du droit communautaire, en particulier la sécurité juridique et la proportionnalité.
En vertu du principe de proportionnalité, une règle nationale va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer une perception correcte de la TVA si elle subordonne le droit à l'exonération au seul respect d'exigences formelles, sans examiner si les conditions de fond ont été remplies. En d'autres termes, la TVA doit être évaluée en fonction de la nature réelle de la transaction.
Si les conditions matérielles sont remplies, le principe de neutralité fiscale exige que l'exonération soit accordée, même si l'assujetti n'a pas respecté certaines exigences procédurales. Il est important de noter que le non-respect des formalités ne peut entraîner le refus de l'exonération que dans deux cas particuliers. Le premier cas est celui où ce manquement empêche effectivement de prouver que les conditions de fond ont été remplies. Le second cas est celui où l'intention est de commettre une fraude ou un abus.
La CJCE a ajouté que pour qu'une opération puisse bénéficier de l'exonération de la TVA prévue à l'article 146, paragraphe 1, point e), de la directive TVA de l'UE, il doit exister un lien direct entre la prestation de services de transport et l'exportation de biens. Néanmoins, pour que les exonérations prévues aux articles 146 ou 153 de la directive TVA s'appliquent, les biens doivent avoir été exportés en dehors de l'UE, et cela doit être prouvé à la satisfaction des autorités fiscales.
Toutefois, la présentation d'une déclaration d'exportation ne peut être la seule preuve acceptable, et d'autres formes de preuve peuvent également être utilisées pour démontrer que l'exportation a eu lieu. Exiger des assujettis qu'ils prouvent l'exportation uniquement en produisant une déclaration d'exportation, à l'exclusion de toute autre preuve, reviendrait à faire dépendre le droit à l'exonération de la TVA uniquement d'une conformité formelle, sans examiner si les conditions de fond réelles sont remplies.
Plus important encore, les obligations relatives à la preuve des conditions fiscales doivent être fondées sur les règles explicites établies par le droit national et alignées sur les pratiques habituelles pour des transactions similaires. En l'espèce, le tribunal régional a noté que la législation nationale n'exige pas explicitement la déclaration douanière d'exportation. Elle exige seulement la présentation de documents non spécifiés prouvant que les marchandises ont été exportées. Par conséquent, l'imposition d'une obligation stricte de fournir une déclaration d'exportation ne repose pas sur une base juridique claire et peut nuire à la sécurité juridique.
En ce qui concerne le carnet TIR, les règles et réglementations applicables stipulent que les marchandises transportées au sein de l'UE mais destinées à l'extérieur de celle-ci peuvent être soumises au régime de transit externe lorsqu'elles sont déplacées sous le couvert d'un carnet TIR. En outre, le carnet TIR doit être présenté et certifié par les bureaux de douane au point de départ, aux points de transit et au point de destination, avec les volets et les souches correspondants utilisés pour suivre et confirmer la bonne exécution de l'opération de transport.
Décision finale des tribunaux
Dans sa décision finale, la CJCE a conclu que les pays de l'UE ne devraient pas exiger d'un assujetti qu'il produise une déclaration douanière d'exportation comme seule preuve pour bénéficier de l'exonération de la TVA sur les services de transport liés à l'exportation de biens ou sur les services intermédiaires impliqués dans ces transports. Au lieu de cela, une décision sur le droit à l'exonération de la TVA doit être prise sur la base de tous les documents disponibles qui prouvent que les biens ont été exportés.
Par conséquent, un carnet TIR correctement certifié sert de document officiel qui, en principe, prouve que les marchandises ont physiquement franchi la frontière extérieure de l'UE et ont été livrées dans un pays non membre de l'UE. Par conséquent, en suivant ce raisonnement, les autorités fiscales nationales doivent prendre en compte le carnet TIR, ainsi que toutes les autres informations disponibles, telles que la CMR.
Conclusion
Compte tenu du champ d'application et de l'interprétation des règlements, la décision de la CJCE renforce les droits des assujettis aux exonérations de TVA sur les services de transport liés à l'exportation en validant des formes de preuve plus larges et pratiques et en limitant les exigences formelles rigides imposées par les autorités nationales. En d'autres termes, l'affaire souligne l'équilibre crucial entre la documentation formelle et les preuves substantielles dans la demande d'exonération de la TVA pour les services de transport liés à l'exportation.
Source: Affaire C-495/17 - Cartrans Spedition SRL contre Direction générale régionale des finances publiques de Ploiești - Administration régionale des finances publiques de Prahova., Directive TVA de l'UE, Code des douanes de l'UE, La Convention TIR, Manuel de transit pour le régime TIR

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